Actualité et travail


La singularité technologique, c'est l'apothéose de la cyber société. Son anticipation peut nous remplir de crainte et nous terrifier.


"La singularité technologique renvoie à une brisure du temps à l'issue de laquelle le futur n'appartiendrait plus à l'homme, mais à une nouvelle espèce, soit purement machine, soit hybride d'homme et de machine. Cela donnera à l'écoulement du temps vécu une allure un peu étrange : il ne s'arrêtra pas ; il continuera de filer, éventuellement avec nous, mais sans nous laisser aucune prise sur notre destin, car il nous relèguera à un stade purement passif et animal. Cela ne concernera pas uniquement notre bien-être ou notre confort. Au-delà, il en ira de notre liberté. Nous assistons là à un renversement de l'idéal de la technique : là où, au temps des Lumières, la technique était censée permettre à l'homme de maîtriser la nature et de prendre en main son destin, aujourd'hui, la technique poussée à ses limites les plus extrêmes conduit, selon les tenants de la Singularité, à une évolution fatale de l'issue de laquelle n'aurait plus aucune prise sur son avenir."


Extrait de Jean Gabriel Ganascia, "LE mythe de la Singularité, faut-il craindre l'intelligence artificielle, Editions Points Essais, 2017


(Proposé par André)

Travail hybride :

qu’en aurait donc pensé Saint Benoit ?



Hybride, l’adjectif est lâché !


Emprunté du latin hybrida, par rapprochement avec le grec hubris, « excès », de ibrida, « bâtard », ce qualificatif d’hybride a très souvent une connotation plutôt négative, véhiculant des images de bizarrerie, de mélange, de flou.

L’hybridation est le croisement entre deux variétés, deux races d'une même espèce ou entre deux espèces différentes. Le travail hybride consiste donc à croiser présence sur le lieu de travail et distance grâce à la digitalisation.


Ce nouveau mode de travail a connu une accélération fulgurante pendant la période de confinement et beaucoup de collaborateurs du secteur tertiaire l’ont spontanément adopté, car il présente de nombreux avantages tant du côté de l’employeur (diminution des surfaces de bureaux et des charges locatives, réduction de l’empreinte carbone, découverte de nouvelles efficacités opérationnelles) que du côté du salarié : plus grande flexibilité au quotidien, optimisation des capacités de concentration et de mémorisation par la réduction les interruptions inhérentes à toute vie professionnelle, réduction des coûts et de la fatigue inhérents aux transports.


Avec un peu plus de recul, il suscite pourtant de nouvelles interpellations, tant sur le concept d’hybridation lui-même que sur les modalités pratiques pour s’y adapter.

Quelle attention porter aux espaces physiques de travail et à leur interpénétration ? Au-delà de l’espace de travail proprement dit, les métiers, les outils, les talents eux-mêmes ne sont-ils pas en train de s’hybrider ? Le travail hybride peut-il être réduit au seul rapatriement du travail, historiquement réalisé au bureau, à domicile ? Comment organiser l’action collective en mode asynchrone ? Comment, dans ces conditions, maintenir l’engagement individuel, nourrir le sentiment d’appartenance, garantir le bien-être au travail, apprivoiser, sécuriser et rendre féconde cette hybridation qui déstabilise, inquiète, et a encore du mal à se trouver une véritable identité ? Cette hybridation n’est-elle pas constitutive à la fois d’agilité mais aussi de résilience pour apporter des réponses inédites et réinventer la façon de travailler ensemble ? Comment construire la compréhension mutuelle et la confiance malgré la distance ? Comment ne pas aggraver le sentiment d’isolement au travail ou de nouvelles formes de discriminations ? 




Qu’en penserait donc Saint Benoit ?


Dans un monastère, l’organisation de l’espace n’est pas anodine et le passage d’une activité à une autre se traduit souvent par un changement de bâtiment ou de lieu. Tout est organisé autour du cloitre mais chaque lieu semble orienté exclusivement vers sa finalité. Bien qu’ayant fait vœu de stabilité, un moine est donc toujours en mouvement et jamais vraiment installé. Son ancrage est « céleste ». Sa « cité se trouve dans les Cieux ».  Il est à ce titre frappant de lire que deux lieux semblent toutefois particulièrement importants pour la construction du collectif ou la communion communautaire : la table et l’oratoire.


Saint Benoit nous dirait vraisemblablement aussi que l’attention aux personnes, en particulier à leur croissance, leurs personnalités, leurs talents mais aussi leurs difficultés, doit rester la préoccupation essentielle. Saint Benoit est d’ailleurs très attaché à la vie commune, à la vie d’équipe. A chaque fois qu’il y a quelque chose d’important dans la communauté, il convoque tout le monde, car il considère que chacun a toujours quelque chose à apprendre des autres et prend ses décisions à la lumière de tous. C’est toujours l’ensemble de la communauté qui cherche et chemine pour discerner et arrêter une décision. Mais cela présuppose aussi que l’autorité, qui est membre à part entière de la communauté, accepte de rester dans une grande ouverture voire de se laisser dépasser. Saint Benoit avait certainement déjà fait sien cet adage : « Seul, on va plus vite mais ensemble, on va plus loin » !


Enfin, Saint Benoit nous inviterait sans doute enfin à mettre à profit le travail hybride pour ménager des espaces de silence intérieur, de recherche d’intimité pour accueillir l’autre dans son altérité et l’écouter de manière ajustée.


Sommes-nous disposés à nous inspirer de la vie monastique pour relever le défi de l’hybridation en remettant la croissance et l’épanouissement individuels comme la communauté au centre de nos préoccupations ? Comment favoriser cette attention « bénédictine » à la personne et à partir de la personne, dans un contexte de développement du travail hybride ? L’hybridation est-elle un obstacle, ou une fantastique opportunité de faire émerger et servir ensemble le bien commun ?


(Catherine)


 

 

« ITINERAIRE DE CONVERSION ECOLOGIQUE »

 

 

Chrétien engagé pour le Bien Commun

Diplômé de l’Ecole Polytechnique

Formateur au Campus de la Transition

Membre du Collectif « Pour un réveil écologique ».

Rencontre avec Benoit Halgand

Une proposition de France Culture à écouter ou re-écouter  :


Intelligence artificielle : cauchemar ou révolution ?


https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-esprit-public/intelligence-artificielle-cauchemar-ou-revolution-la-guerre-de-la-desinformation-8966189