Evangile du dimanche

Méditer sept jours

avec l’évangile du dimanche:

évangile du 5ème dimanche de Pâques

Année B

(Jn 15, 1-8)



Méditation du dimanche:

Présentation du texte de l’évangile


En ce cinquième dimanche de Pâques de l’année B l’évangile dominical est extrait du dernier entretien de Jésus avec ses disciples après qu’il leur eut lavé les pieds qui occupe les chapitres 14 à 16 de l’évangile selon saint Jean. L’entretien commence en Jn 13,31 après le départ de Judas: «Quand il fut sorti, Jésus déclara: “Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui» et il s’achève à la fin du chapitre 16 puisqu’au début du chapitre 17, Jésus ne s’adresse plus aux disciples mais au Père: «Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit: “Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie.”» Le dernier entretien Jésus tout comme sa prière adressée à son Père s’ouvre donc sur le thème de la Gloire, thème que l’on retrouve en conclusion de notre évangile. Au sein du dernier entretien de Jésus à ses disciples, la fin du chapitre 14 paraît marquer un tournant important. Le verset 31 pourrait sembler être une sorte de conclusion de l’entretien puisque Jésus s’adresse ainsi à ses disciples: «Levez-vous. Partons d’ici.» Or l’entretien reprend, comme si de rien était au chapitre 15, verset 1, c’est-à-dire au premier verset de notre évangile. Cela signifie-t-il que la «seconde partie» de l’entretien s à partir de Jn 15,1 n’aurait pas été prononcée au même endroit que ce qui précède? Peut-être… ce que l’on peut dire c’est que notre évangile marque une reprise de l’entretien après cet ordre de Jésus adressé aux disciples.

Notre évangile se présente sous la forme de ce que Jean appelle une «image» en grec paroimia, c’est-à-dire que Jésus utilise ici une comparaison pour décrire la relation à trois entre le Père, les disciples et lui-même. A la fin de ce dernier discours, Jésus revient sur l’emploi de ces images (Jn 16,25): «En disant cela je vous ai parlé en images.» A quoi les disciples répondent peu après (Jn 16,29): «Voici que tu parles ouvertement et non plus en images.» Pour en revenir à notre texte, la clé de l’image est fournie par les deux versets commençant par la formule Moi, je suis. Tout d’abord au premier verset: «Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.» puis au v. 5: «Moi, je suis la vigne et vous les sarments.» A partir de ces deux versets on peut établir un système d’équivalence entre l’image et la réalité à laquelle elle renvoie:

  • La vigne= Moi, Jésus
  • Le vigneron = Il, Le Père
  • Les sarments = Vous, les disciples.

On pourrait aussi semble-t-il s’appuyer sur cette reprise de la formule egô eimi pour déterminer la structure du texte. Le premier egô eimi au v. 1 en effet l’accent sur le rapport entre la vigne et le vigneron autrement dit le Père et le Fils alors que le second egô eimi au v.5 met l’accent sur le rapport entre la vigne et les serments c’est-à-dire entre le Fils et les disciples. De fait les versets 1 à 3 insistent sur le travail du vigneron, le Père, alors que les versets 4 à 7 portent sur le rapport entre les sarments et al vigne c’est-à-dire entre le Fils et les disciple alors que le v. 8 constituant une sorte de conclusion revient sur le rapport entre le Père et les disciples.

On peut aussi s’appuyer sur une autre expression très courante dans notre texte puisqu’elle revient à cinq reprises – trois fois employée de manière positive deux de manières négatives – «porter du fruit». Le motif principal de la parabole dans son ensemble est que le vigneron qu’est le Père, souhaite que sa vigne «porte du fruit «et c’est pour cela qu’il la taille. Mais, pour que les sarments, que sont les disciples, puissent porter du fruit, ils doivent «demeurer», un verbe qui apparaît à huit reprises dans les versets 4 à 7 attachés sur le pied de vigne, qu’est le Fils. La nécessité pour les disciples de «demeurer» dans le Fils constitue donc l’autre motif important de notre texte.


Méditation du lundi:

L’arrière-plan vétérotestamentaire de l’image de la vigne


L’image choisie est celle de la vigne en grec ampelos. En français le terme vigne est employé à la fois pour désigner un arbre et un espace planté de cet arbre. Le terme grec ampelos désigne lui l’arbre – on pourrait dire le pied de vigne ou le cep. Pour désigner la vigne comme espace planté le grec emploie de préférence un autre mot ampelôn. Par exemple, dans les évangiles synoptiques, dans la parabole des vignerons homicides (Mt 21,33.38; Mc 12, 1.8; Lc 20,9.15), c’est le terme ampelôn et non le terme ampelos qui est employé. (Même remarque pour le chant de la Vigne en Isaïe 5 «Mon ami avait une vigne», en grec dans la Septante ampelôn «pour y mettre un plant de qualité» plant = ampelos). L’image de la vigne – l’arbre – n’en est pas moins dans la Bible hébraïque et dans sa traduction grecque la Septante associée au peuple d’Israël. D’après le psaume 79, Israël est «La vigne que tu as prise à l’Egypte, tu la replantes en chassant les nations. Tu déblaies le sol devant elle, tu n pour qu’elle emplisse le pays. Son ombre couvrait les montagnes et son feuillage, les cèdres géants; elle étendait ses sarments jusqu’à la mer, et ses rejets jusqu’au fleuve.» Cette image est reprise par le prophète Jérémie en Jr 2,21. Je cite ici le texte en traduisant littéralement le grec de la Septante Je t’avais plantée vigne portant du fruit (karpophôron) tout entière vraie (alèthinèn). (par comparaison la traduction liturgique d’après l’hébreu est la suivante: «Moi pourtant j’avais fait de toi une vigne de raisin vermeil tout entière d’un cépage de qualité.» ) Si l’on ne regarde que la traduction française le lien entre notre évangile et le texte du prophète Jérémie n’apparaît pas évident, mais en examinant le texte grec, il est clair que saint Jean s’inspire de Jérémie: il lui emprunte deux expressions caractéristiques: «la vraie vigne» (ampelos alèthinè) et «porter du fruit»(pheron karpon = karpophôron). Jean procède à une relecture de cette prophétie de Jérémie: ce n’est plus Israël qui est la vraie vigne qui porte du fruit mais la vraie vigne est Jésus et ce sont les disciples qui portent du fruit. Un élément auquel Jésus accorde une grande importance, ce sont les serments (en grec klèmata). L’image des sarments est probablement empruntée au Psaume 79 («elle étendait ses sarments jusqu’à la mer») Dans le Psaume 79, l’image ses sarments, s’appuyant sur le fait que la vigne est un arbuste vivace qui peut se multiplier, servait à décrire l’extension géographique d’Israël qui en était venu à occuper l’ensemble de la terre promise par le Seigneur du Jourdain à la Méditerranée. Dans notre parabole cette image a probablement une signification un peu différente: plus qu’une extension dans l’espace les sarments renvoient à une extension dans le temps. Après la mort prochaine de Jésus les disciples continueront son œuvre. L’image des sarments et de la vigne insiste sur le fait que, malgré la fin de l’existence terrestre de Jésus il continue d’agir, de porter du fruit par l’intermédiaire de ses disciples. Cela renvoie à une autre caractéristique de la vigne (un arbre qui peut durer dans le temps).


Méditation du mardi:

Le travail du vigneron


L’image traditionnelle de la vigne au Ps 79 ou en Jr 2,21 confrontait deux acteurs le Seigneur d’une part, Israël d’autre part dont la conduite était jugée et condamnée en bloc. L’image de Jean se révèle de ce point de vue plus riche. Il n’y a plus deux mais trois acteurs: le Seigneur (le vigneron); Jésus (la vigne) et les disciples (les sarments), ce qui enrichit le jeu des relations. De plus les disciples ne sont pas jugés de manière globale mais chaque sarment est jugé de manière personnelle selon sa conduite: cela apparaît dès le deuxième verset de la parabole où l’action du vigneron, le Père, est différenciée selon que le sarment donne ou non du fruit. Si le sarment ne porte pas de fruit le Père l’enlève (aireô) en grec, s’il l’en porte il le purifie (kathairô en grec). Le parallélisme de la construction du verset est renforcé par l’assonance entre les deux verbes grecs (aireô, kathairô) Il est d’ailleurs possible que ce soit ce jeu de sonorités qui ait poussé saint Jean à employer le verbe kathaîrô alors que partout ailleurs dans le nouveau testament, «purifier» se dit katharizô. Le motif de la suppression du sarment qui ne porte pas de fruit rejoint celui de l’arrachage de l’arbre qui ne porte de fuit que l’on trouve dans la prédication de Jean la Baptiste telle qu’elle est rapportée par saint Matthieu et saint Luc (Mt 3,10//Lc 3,9): ««Déjà la cognée et à la racine des arbres tout arbre qui ne porte pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.»

Porter du fruit apparaît donc de la responsabilité personnelle de chaque croyant même si ce fruit n’est pas seulement le fruit du sarment mais aussi du travail de Dieu: «Il le purifie pour qu’il en porte davantage». Le fruit que porte le croyant est aussi le produit du travail de la grâce divine en lui. L’expression du v. 3 «vous déjà vous voici purifiés» rappelle ce que Jésus avait déjà dit précédemment à Pierre lors du lavement des pieds (Jn 13,10): «Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds: on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs mais pas tous» Jésus toutefois ajoute ici un élément: «grâce à la parole que je vous ai dite». Il me semble qu’il est un peu vain de se demander quelle est la parole que Jésus évoque ici, donner une réponse précise à cette question étant fort difficile. En revanche, il convient de noter que la parole de Jésus a une fonction de purification. Cela signifie la Parole et en particulier la parole de Dieu incarnée qu’est Jésus est l’un des outils par lesquels la grâce divine travail en nous.


Méditation du mercredi:

Demeurez en moi


Dans les v. 4 à 7 le verbe «demeurer» en grec menô apparaît à huit reprises. À chaque fois le verbe employé de la même manière pour désigner le fait de «demeurer en quelqu’un» ce que l’on peut appeler l’inhabitation. Dans le Nouveau Testament, cet emploi est propre aux textes johanniques, évangile selon saint Jean et deux premières lettres de saint Jean. Dans l’évangile selon saint Jean, le motif de l’inhabitation est déjà apparu dans le discours sur le pain de vie où il est mis en relation avec la manducation de la chair de Jésus en Jn 6,56: «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.» Dans le discours sur le pain de vie, «manger la chairet boire le sang de Jésus» peut renvoyer à deux pratiques distinctes. La première est la méditation des Écritures. en effet, le discours sur le pain de vie dans lequel Jésus se présente comme le «pain vivant descendu du ciel» s’inscrit dans la tradition d’interprétation de la manne comme une figure de la parole de Dieu représenté notamment par le livre de la Sagesse (Sa 16,26: «ainsi les fils que tu aimais, Seigneur, devaient l’apprendre: l’homme n’est pas nourri par le fruit des semences; ta parole maintient celui qui croit en toi.» ) Jésus, parole de Dieu faite chair est la vraie nourriture. La seconde à laquelle les chrétiens pensent plus spontanément est l’eucharistie. En mangeant en mémoire du Christ, le pain et le vin devenus Son corps et Son sang, le chrétien fait sa demeure dans le Christ et le Christ sa demeure en lui. le motif de l’inhabitation revient dans le dernier entretien de Jésus avec ses disciples au chapitre 14 de l’évangile selon saint Jean d’abord pour définir les rapports du Père et du Fils, en Jn 14,10, dans la réponse de Jésus à la demande de Philippe de «voir le Père» «Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi.» Puis les disciples se trouvent en quelque sorte inclus dans cette intimité, cette inhabitation mutuelle du Père et du Fils en Jn 14,23: «Si quelqu’un m’aime il gardera ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui, et chez lui, nous, nous ferons notre demeure.» Ce verset suggère que la clef de l’inhabitation du père et du fils dans le disciple est à la fois l’amour porté au Fils et à la fidélité à sa parole. Mais c’est surtout dans sa première développe le motif de l’inhabitation. Les développements de cette lettre permettent de mieux comprendre le passage très dense de notre texte. Le commandement «demeurez en moi» du v.4 a sa contrepartie au dernier verset du deuxième chapitre de la première lettre de saint Jean où l’apôtre adresse, à ses destinataires l’ordre suivant (1 Jn2,28): «Et maintenant, petits enfants, demeurez en lui». Le développement qui précède à la fin de ce chapitre 2 à partir du v. 22 permet de mieux comprendre ce que signifie «demeurer en lui.» Aux v. 22-23 saint Jean explique que celui qui refuse de reconnaître en Jésus le Christ et le Fils n’a pas non plus le Père. Puis au v. 24, il indique que celui en qui demeure «ce que vous avez entendu depuis le commencement» c’est-à-dire que celui qui dit que Jésus est le Christ et le Fils de Dieu demeure à la fois dans le Père et dans le Fils. Pour demeurer en Jésus il faut donc reconnaître qu’il est le Christ et le Fils de Dieu. Cette idée est reprise en 1 Jn 3,23-24 et 1 Jn 4,15. En 1 Jn 3,6.9, l’apôtre précise que celui qui demeure dans le Christ ne pèche pas. En 1 Jn 4,12.16, l’apôtre énonce une autre manière demeurer en Dieu; il affirme d’abord en 1jn 4,12 «si nous nous aimons les uns, les autres, Dieu demeure en nous.» Puis en 1 Jn 4,16: «Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.» Pour demeurer en Jésus, il faut donc recevoir l’eucharistie, (Jn 6,56) garder son commandement (Jn 14,20), reconnaître que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu 1 Jn 2, 22-23; 3, 23-24; 4,15) et s’aimer les uns les autres (1 Jn 4,12-16).

Dans notre évangile Jésus ne précise pas comment «demeurer en lui». Mais la comparaison de la vigne et du sarment permet de mieux comprendre ce que signifie cette inhabitation; comme les sarments font partie du pied de vigne, les chrétiens sont inclus dans le Christ. Le Christ pied de vigne est une réalité totale qui englobe les différents croyants qui sont les sarments. De ce point de vue la comparaison johannique de la vigne rejoint la comparaison paulinienne du corps: dans les deux cas les croyants sont inclus dans le Christ total; La comparaison de la vigne a cependant cette particularité qu’elle paraît considérer les croyants comme une extension spatiale et temporelle du Christ; les sarments prolongent le pied de vigne dans l’espace et dans le temps. La comparaison de la vigne permet d’insister sur le fait que l’inhabitation en Jésus est nécessaire pour «porter du fruit». On ne peut être chrétien seul , on doit être inclus dans la vigne qui est le Christ.


Méditation du jeudi:

Les sarments secs


Le texte de notre évangile insiste surtout sur les conséquences du fait de demeurer ou de ne pas demeurer en Jésus. Ceux qui demeurent en Jésus «portent beaucoup de fruit». L’abondance de la production pourrait être rapprochée du rendement considérable de la semence dans la bonne terre selon la parabole dite du semeur telle que la rapporte les évangiles synoptiques. Dans les deux cas, la production est, l’on pourrait dire, conjointement l’œuvre de Dieu et du croyant. C’est la terre – le cœur du croyant – qui permet à la semence de porter ou non du fruit. C’est le sarment, s’il demeure bien greffé sur le cep qui permet à celui de donner du fruit. Jésus souligne que le croyant ne peut rien faire tout seul: «Sans moi vous ne pouvez rien faire.» Mais d’un autre côté on peut dire que Dieu accepte librement de dépendre de la bonne volonté du croyant pour que sa vigne porte ou non du fruit.

Pour évoquer les croyants qui ne demeurent pas en lui, Jésus emploie la métaphore des sarments secs que l’on jette au feu. Cette métaphore n’est pas nouvelle puisqu’on la trouve déjà chez le prophète Ézékiel. En Ez 15,1-8, le prophète compare les habitants de Jérusalem au bois de la vigne:

La parole du Seigneur me fut adressée: «Fils d’homme, pour quelle raison, le bois de la vigne vaudrait-il mieux que tous les autres bois? pourquoi ces branches serait-elles meilleures que celles des arbres de la forêt? En tire-t-on du bois pour en faire en ouvrage? En tire-t-on une cheville pour y suspendre un objet? Voilà qu’on le jette au feu pour le consumer: le feu consume ses deux extrémités, le milieu est brûlé; peut-il servir à quelque ouvrage? Déjà, lorsqu’il était intact on n’en faisait aucun ouvrage; une fois que le feu l’a consumé et brûlé, pourrait-on en faire quelque ouvrage? C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur Dieu: comme je jette au feu le bois de la vigne pour le consumer, de préférence au bois de la forêt, ainsi je jette au feu les habitants de Jérusalem; Je porte mon regard sur eux. Ils sont sortis du feu, mais le feu le consumera. Alors vous aurez que Je suis le Seigneur lorsque j’aurai posé mon regard sur eux. Je ferai de ce pays un lieu désolé à cause de l’infidélité qu’ils ont commises – oracle du Seigneur Dieu.»

Dans cette petite parabole, Ézékiel reprend la comparaison traditionnelle d’Israël à la vigne mais il en tire une conséquence négative. La vigne est un bois impropre à un travail de menuiserie ou de charpenterie et qui donc une fois sec, n’est bon qu’à être jeté au feu. Les habitants de Jérusalem infidèles sont comme du bois de vigne sec et c’est pourquoi le Seigneur va les châtier. C’est la même idée que l’on trouve en arrière-plan de notre texte. Les croyants qui ne demeurent pas en Jésus qui lui sont infidèles sont comme des sarments sec. On ne peut rien en tirer de bon, juste les jeter au feu. Cette métaphore suggère donc que le croyant isolé ne vaut rien par lui-même. Ce n’est que dans la mesure où il reste attaché au Christ-cep qu’il peut avoir une utilité et produire du fruit.


Méditation du vendredi.

La gloire de mon Père


Après avoir évoqué les sarments secs, Jésus revient sur les disciples qui demeurent en lui. Il reprend l’équivalence qu’il a déjà proposée en Jn 14,20 entre «garder sa parole» et «demeurer en lui». Il souligne une autre conséquence positive de l’inhabitation en lui, la satisfaction de toutes les demandes: «demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous». Une affirmation comparable se trouvait déjà au chapitre précédent «tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils.» Au chapitre 14, la satisfaction de toute demande est mise en relation avec la présence de Jésus auprès de son Père. Dans notre texte, on peut remarquer que le verbe «réaliser» est au futur. Jésus se place donc délibérément par anticipation dans le temps post pascal quand, après sa mort et sa résurrection il aura rejoint son Père. Si après qu’il aura quitté ses disciples, ceux-ci lui demeurent fidèles, Lui désormais auprès de son Père fera qu’ils obtiendront tout ce qu’ils demanderont. L’image de la vigne est une image pour l’après-Pâques pour le temps de l’Église où les disciples ne voient plus Jésus présent parmi eux mais doivent demeurer fidèles à ses paroles, attachés à Lui qui, désormais élevé à la droite du Père est un puissant intercesseur qui peut obtenir de celui-ci tout ce que les hommes lui demandent.

Le dernier verset de notre texte évoque la gloire du Père. Le motif de la gloire st très présent dans l’évangile selon saint Jean. Ici il est question plus précisément de la «gloire du Père». La «gloire de Dieu» a déjà été évoquée dans le récit de la résurrection de Lazare au chapitre 11. Au début du chapitre, Jésus avait dit à ses disciples que la maladie de Lazare était «pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de dieu soit glorifié.» puis, avant l’ouverture du tombeau, Jésus s’était adressé à Marthe en ces termes«Ne te l’avais-je pas dit, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ?» Dans ce passage la résurrection de Lazare est une manifestation de la «gloire de Dieu», gloire à la fois du Fils qui réalise le miracle de ressusciter Lazare, Gloire du Père qui donne au Fils réaliser ce miracle; gloire du Père et gloire du Fils paraissent d’ailleurs indissociablement liées. Gloire du Père et Gloire du Fils sont surtout évoquées dans la deuxième partie de l’évangile selon saint Jean à partir du chapitre 13 au point que cette seconde partie est appelée par certains exégètes, le «livre de la gloire». Ainsi dans les titres rajoutés à la traduction liturgique officielle de la Bible on trouve avant le chapitre 13 «Le livre de l’heure ou de la gloire (13-20)» en préambule à ce «livre de la gloire», le motif de la gloire du Père apparaît déjà dans l’épisode conclusif de la première partie de l’évangile selon saint Jean, lorsqu’en Jn 12, 28 Jésus interpelle son Père: «Père, glorifie ton nom!» et reçoit cette réponse par une voix venue du ciel «Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore.Le motif de la gloire u Père et du Fils est employé pour introduire le dernier entretien discours de Jésus avec ses disciples après le lavement des pieds et le départ de Judas:«Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si dieu est glorifié en lui, dieu aussi el glorifiera; et il le glorifiera bientôt.»(Jn 13,31-32). Ici le vocabulaire de la gloire est employé pour évoquer la mort et la résurrection de Jésus. C’est en donnant sa vie que Jésus rend gloire à son Père et en retour son Père lui rend gloire en le ressuscitant et en l’élevant auprès de lui. Le motif de la gloire est aussi développé dans la grande prière de Jésus à son Père qui constitue le chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean.: «Père glorifie ton Fils afin que le Fils de glorifie.» (Jn 17,1) Dans cette prière Jésus évoque une autre manière dont il a glorifié son Père: «Moi je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donné à faire.» Ce n’est donc pas seulement par sa mort que Jésus a glorifié le Père mais par toute l’œuvre qu’il a accomplie conformément à ce que le Père lui a commandé. Cela permet nous semble-t-il de mieux comprendre le lien que Jésus établit ici entre la gloire du Père et «porter du fruit». Les disciples sont vraiment disciples de Jésus et portent du fruit en continuant l’œuvre accomplie par Jésus. En faisant cela ils rendent gloire au Père comme le Fils a glorifié son Père par son œuvre de son vivant. Comme les sarments prolongent le pied de la vigne, les disciples prolongent l’œuvre du Fils sur la terre après sa mort et son élévation au ciel auprès du Père.


Méditation du samedi:

La vigne du Seigneur


Pour conclure cette méditation je voudrais citer un texte qui n’est pas biblique mas qui se rattache à la tradition johannique puisque Irénée de Lyon qui nous le fait connaître l’attribue aux «presbytres qui ont vu Jean, le disciple du Seigneur». Ce texte est donc présenté comme une parole du Seigneur rapportée par Jean concernant la période des mille ans évoquée au début du chapitre 20 de l’Apocalypse de saint Jean. Voici le texte d’Irénée(Contre les hérésies, livre V, chapitre 33)

«Il viendra des jours où de vignes croîtront, qui auront chacune dix mille ceps, et sur chaque cep dix mille branches, et sur chaque branche dix mille bourgeons, et sur chaque grappe dix mille grains et chaque grain pressé donnera vingt-cinq métrètes de vin. Et lorsque l’un des saints cueillera une grappe, une autre grappe lui criera: Je suis meilleure, cueille-moi et, par moi, bénis le Seigneur.»

Cette parole mise par écrit par Papias, évêque d’Hiérapolis, présenté par Irénée comme auditeur de Jean dans un ouvrage aujourd’hui perdu mais recopié par Irénée reprend le motif de l’abondance des temps messianiques développé dans l’apocalyptique juive. Ainsi l’Apocalypse syriaque de Baruch écrit juif peut-être d’inspiration essénienne postérieur à la chute du temple de Jérusalem décrit les temps qui précèdent la venue du messie de la manière suivante: «et sur une seule vigne, il y aura dix mille rameaux et un rameau donnera mille grappes et une grappe donnera milles raisins et un raisin donnera un cor de vin.» Toutefois, le texte cité par Irénée présent un trait qui lui est propre la grappe qui crie pour qu’on la ramasse. Cette personnalisation de la grappe me paraît tirée de l’image de la vigne dans l’évangile de saint Jean; cette grappe qui parle et quoi dit qu’elle est la meilleure peut en effet être lu comme une illustration du croyant qui demeurant greffé sur le Christ-cep porte du fruit et par son fruit rend gloire à Dieu ce à quoi semble bien renvoyer la parole finale de la grappe «par moi, bénis le Seigneur.»

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